La publication d'un trésor qu'on croyait perdu
Alors qu'il se consacre principalement à son travail pour la radio, Desnos prend pour habitude de composer un poème chaque soir avant de s'endormir, dans son appartement de la rue Mazarine, entre l'Odéon et les quais de Seine. En 1940, il se relit et recopie soigneusement ces textes au crayon à papier dans quatre cahiers.
Longtemps, on a ignoré l'existence de ce trésor dont sont tirés les 86 poèmes inédits publiés ici. On y retrouve tout l'univers du poète, sa fantaisie désinvolte, son onirisme, son sens de la provocation, son goût pour la musique... Une découverte majeure, qui porte un nouvel éclairage sur l'œuvre de Desnos, cet intransigeant combattant de la liberté et de la fraternité, mort à 45 ans, victime de la barbarie nazie.
" Feuilleter ces pages rares, déchiffrer les mots, découvrir des vers inconnus, soupçonner une variante ou un développement à tel ou tel poème, pénétrer dans le "laboratoire central', comme disait Max Jacob, d'une œuvre en devenir, constitue à la fois un plaisir et une joie particulière. Le poète est là, à l'œuvre. Dans l'ombre. Spectre bienveillant. L'heure de Desnos est revenue. "
Extrait de la préface de Thierry Clermont
Beaucoup d'humour aussi chez cet amateur de farce et de calembours, dans des quatrains rimés où il s'en prend aux gradés, aux prêtres et aux juges.
Certains de ces poèmes ont rejoint le recueil Fortunes, en 1942 d'autre Etat de veille en 1943. Ceux qui n'ont pas été publiés viennent donc d'être retrouvés dans quatre précieux cahiers reliés datant de 1940, à l'occasion d'une vente et de l'acquisition faite par le bibliophile et collectionneur Jacques Letertre. On y découvre l'écriture régulière de Desnos qui s'était appliqué en vue d'une prochaine parution à recopier, corriger quatre-vingt poèmes, complétés par des dessins de sa main. En 1940, Desnos revient à lui-même et se juge, accompagnant d'une ou deux croix les poèmes qu'il trouvait les meilleurs.
A l'époque où il recopie ces poèmes, Desnos rejoint le quotidien Aujourd'hui, qui va bientôt glisser dans la collaboration. De son poste d'observation, il collecte des renseignements pour le réseau de résistance " Agir ". Il mènera ce combat jusque 1944. Dénoncé, arrêté par la Gestapo, Desnos connaîtra la prison de Fresnes, le camp de Compiègne, puis Auschwitz, Buchenwald, Flossenbürg, Floha et Teresin, où, survivant des " marches de la mort ", il succombera au typhus. Il n'avait pas 45 ans.
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